3.19 / Toilettes : Entre crainte et besoin pressant, il faut choisir !

Analyse 03 – 2019. Trilogie des toilettes – tome 2

L’analyse en un coup d’œil

Vous promener seul·e dans une petite ruelle sombre, étroite, odorante, dégradée, remplie de personnes potentiellement hostiles, vous aimez ça ? Vous le feriez chaque jour ? Plusieurs fois par jour ? Tout en connaissant les risques que vous pourriez encourir ? Ce sentiment d’insécurité est proche de celui de toute une série de jeunes lorsqu’ils doivent se rendre aux toilettes dans leurs écoles. Heureusement, ce n’est pas le cas partout ni pour tout le monde, mais la situation est suffisamment préoccupante dans toute une série d’établissements.

Lorsque le sujet des toilettes est abordé, on pense proximité, difficulté de les garder propres, de les rendre accueillantes (si la volonté de le faire est présente en tout cas), de les contrôler, de les entretenir, de les équiper correctement en papier/savon/installations adaptées. De trop nombreux jeunes se retiennent et mettent en place différentes stratégies tout au long de la journée et de l’année afin de ne pas s’y rendre. Et pourtant, étrangement, d’autres jeunes y passent du temps, souvent à plusieurs. Les jeunes sont-ils réellement en sécurité lorsqu’ils se rendent aux toilettes ? Ou bien n’est-ce qu’un sentiment, un malaise ?

Dans le premier volet de cette trilogie des toilettes, nous avions abordé la thématique des toilettes neutres/mixtes, nous parlerons ici de la violence et du sentiment d’(in)sécurité de jeunes lorsqu’il est question de s’y rendre (ou pas). Le troisième volet sera consacré aux sanitaires comme lieux d’autorité et de rébellion.

Télécharger l’analyse : “Trilogie des toilettes – tome 2 : Entre crainte et besoin pressant, il faut choisir !“, une analyse de Daphné Renders.

Table des matières

L’analyse en un coup d’œil

Introduction

Différentes formes de violences

Un sentiment d’insécurité

Violence entre élèves

Violences des adultes et de l’institution scolaire

Stratégies d’évitement

Aller vers une amélioration de la situation

Prendre les enfants au sérieux.

« Ce n’est qu’un jeu entre enfants »

Nouvelles infrastructures

Conclusion

Bibliographie

 

Introduction

Les toilettes scolaires, quel magnifique endroit, agréable, qui sent bon, où l’on se sent bien et où nous allons pour satisfaire des besoins naturels en toute quiétude … Bon, soyons réalistes, les toilettes ne sont pas des lieux de plaisir. Les différents établissements scolaires sont confrontés à cette réalité. Nous n’aborderons pas ici les difficultés rencontrées par rapport aux aménagements de cet espace, aux consignes de nettoyage, à la fréquentation, aux dégradations ou autres, mais bien des interactions entre jeunes lorsqu’ils et elles s’y trouvent (ou justement ne s’y trouvent pas).

Dans son enquête française de novembre 2018, Essity relève plusieurs chiffres interpellants[1] :

  • Le « non-dit » : les toilettes de l’école restent un tabou dont on parle peu, que ce soit à l’école ou à la maison. 83% des parents n’abordent jamais ou rarement ce sujet à la maison. Et pourtant, nous abordons ces questions de façon paradoxale : « as-tu bu assez d’eau ? Tu as rempli ta gourde ? » À la maison, l’accès aux toilettes est immédiat, contrairement à l’école où tout devient plus compliqué.
  • Une réalité sous-estimée par les adultes : il existe un véritable fossé entre le vécu des enfants et la perception qu’ont les parents de l’état des toilettes à l’école. 66 % des enfants affirment faire leurs besoins avant ou après l’école, seulement 26% des parents imaginent que c’est le cas.
  • Des responsabilités non-assumées : des responsabilités partagées et au final un sujet dont personne ne s’empare véritablement. 60% des enfants estiment que le problème des toilettes à l’école n’est toujours pas réglé y compris après en avoir parlé aux adultes.

Comme le dit Bernard De Vos, Délégué Général aux Droits de l’Enfant, « De manière générale, notre école reproduit les inégalités sociales. Plus que d’alléger les inégalités sociales des enfants qui y vivent, elle y ajoute même des inégalités scolaires. Nous sommes face à une école qui a du mal à s’inscrire dans notre siècle, et où l’autorité se pratique de manière toujours un peu passéiste. L’école cumule une série de problèmes de société, mais elle les accentue également : harcèlement, violence, échec scolaire. Tous ces problèmes sont des questions fondamentales. Quant à celle des toilettes, sans doute n’y a-t-il rien de surprenant à ce qu’elle soit, elle aussi, un peu en retard[2] ».

Il est naturel et normal de passer par la case « toilettes » plusieurs fois par jour, notamment lorsque l’élève n’a d’autre choix que de s’y rendre pour assurer son accès à l’eau potable où pour s’y laver les mains. Mais même si l’accès est facile, l’eau des robinets dans les toilettes peut être vue comme sale, moins propre, non potable. Alors que de manière générale, la majorité de l’eau potable consommée par l’école l’est … aux toilettes ! Il ressort de toute une série d’études et de discussions avec des parents que de nombreux jeunes ne s’y rendent pas pour diverses raisons, raisons qui ne sont pas liées uniquement à la propreté des lieux. En effet, les violences et le harcèlement sont des phénomènes qui apparaissent très tôt dans la vie de nos enfants, et les toilettes semblent être un cadre qui se prête bien à ce genre d’actions.

Les toilettes sont des lieux mal-aimés, tant par les élèves que par l’institution scolaire. Et si on poussait la porte pour en savoir un peu plus ?

[1] ESSITY FRANCE, Toilettes à l’école : les enfants au bout du rouleau. Pourquoi l’hygiène des toilettes à l’école primaire n’est toujours pas une priorité en 2018, Saint-Ouen, 2018, p. 5.

[2] DE VOS B., « Parce qu’il n’y a pas de petits droits », dans Fondation Roi Baudouin, Sanitaires à l’école : levons le tabou, p. 16.

Différentes formes de violences

Un sentiment d’insécurité

Lors de discussions avec des parents, certains nous relayent des faits, des violences subies par leurs enfants tandis que d’autres nous parlent d’un sentiment d’insécurité. Ce sentiment résulte d’un malaise général, que l’enfant ait été spectateur ou ait subi des actes de violences, des menaces ou non.

Lorsque l’on demande aux adultes « où et quand ils se sentent le plus en insécurité », c’est régulièrement la rue (l’espace public) qui ressort, plutôt à la tombée de la nuit. Et lorsque l’on creuse un peu, la catégorie de personnes ressentant le plus grand sentiment d’insécurité est celui des femmes âgées. Pourtant, concrètement, le groupe qui subit le plus d’agressions physiques est celui des jeunes hommes[1]. Et dans de très nombreux cas, ce malaise ne se transformera pas en passage à l’acte. Ce sentiment est tellement énorme, prend tellement de place dans les émotions et l’imaginaire que les effets sont tout autant, voire d’avantage, à l’origine de la mise en place de stratégies d’évitement. Entre sentiment d’insécurité et passage à l’acte, il n’y a qu’un pas, seulement le malaise ressenti est déjà un poids énorme et c’est ce malaise qui va induire des stratégies d’évitement. Ce sentiment d’insécurité sera perçu différemment en fonction de vécus personnels, cette donnée n’est jamais objective, contrairement aux cas de violence réellement exécutés[2]. Et surtout, ce sentiment d’insécurité « est l’anticipation d’un risque que l’on croit courir[3] ». Par contre, « quelle que soit l’origine du sentiment d’insécurité, il s’auto-alimente dans un processus cumulatif : il induit à la fois une sensibilité plus forte aux problèmes dans l’espace public (de toilettes dans notre cas), et un jugement plus critique sur les politiques mises en œuvre.[4] ».

Les jeunes ressentent exactement la même chose dans les sanitaires de leurs écoles, un endroit souvent étroit, peu sécurisant, loin des regards des adultes. Et même si personne ne s’en prend directement à eux, ce sentiment d’insécurité est suffisant pour que toute une série d’élèves évite ce lieu pendant des mois, parfois des années.

Violence entre élèves

Chaque jeune pourrait, un jour, subir des violences physiques, morales et/ou sexuelles dans son parcours scolaire. Les toilettes ne renferment pas à elles-seules tout ce potentiel de violences.

Que ce soit par jeu, par ennui, par pression ou simplement par amusement, un jeune peut devenir la cible d’un groupe et subir différentes formes de violences. Les toilettes sont un lieu propice à l’exécution de sévices puisqu’elles échappent souvent au contrôle de l’adulte. Les journaux, faute d’autres sujets, relaient de temps en temps des « évènements graves » qui peuvent survenir tels que « Mon fils de trois ans, la tête dans les toilettes »[5] ou encore « Louise, violée à treize ans dans les toilettes d’une école d’Arlon[6] ». Ces évènements sont extrêmement graves mais restent rares. Ce que la presse ne relaie pas, finalement, c’est le quotidien que subissent les enfants et les jeunes dans ce lieu mal aimé et trop peu intégré dans la pédagogie de l’école, d’autant plus lorsque les écoles poussent les murs pour accueillir plus d’élèves mais n’ont pas la possibilité/capacité d’adapter les infrastructures à cette « surpopulation » de l’école. On considère qu’en moyenne, un jeune sur trois a été victime de harcèlement[7].

Les toilettes, c’est un lieu où l’on se retrouve, à un moment ou un autre, seul. Ce lieu qui devrait idéalement proposer intimité et sécurité se trouve parfois être un lieu craint et évité. Mais puisqu’on ne peut mettre constamment en place des stratégies d’évitement (ou parce qu’elles n’ont pas encore été nécessaires), les jeunes y subissent parfois des agressions : « C’est un lieu où le risque de débordement est réel. Des parents m’ont rapporté le cas d’élèves filmant leurs camarades en train de faire leurs besoins. Des agressions physiques ont aussi parfois lieu aux toilettes.[8] » Ce risque est présent puisque d’après une enquête du Cnesco[9], « 16% des élèves estiment que des problèmes de sécurité se posent dans les sanitaires.». [10] 

Les cas qui nous sont le plus régulièrement rapportés (et ne sont donc pas exhaustifs) sont liés au moment le plus insécurisant, à savoir le moment où le jeune fait ses besoins : portes ouvertes, bloquées, yeux baladeurs qui passent au-dessus ou en dessous des cloisons voire smartphones utilisés pour enregistrer ou prendre des photos. Ce seul moment d’intimité devient une source de stress.

Violences des adultes et de l’institution scolaire

Les toilettes … . Ce lieu est, aux yeux des adultes et de l’institution scolaire, un véritable tabou, une zone « hors pédagogie » où les élèves subissent l’absence d’attention portée à cet endroit. « Comment demander à des enfants de respecter des pratiques d’hygiène dans des lieux qui ne les respectent pas et ne leur permettent pas d’expérimenter ces moments dans des conditions décentes ? [11]».  Dans ces locaux où il est souvent impossible d’avoir la moindre intimité et où l’absence de surveillance règne, comment envoyer un message bienveillant aux jeunes ? Ce lieu doit être intégré à la pédagogie mise en place par l’école, et cela passe par une attention particulière de la part des adultes et de l’institution scolaire.

Si, en tant qu’adulte, on sent le poids de la violence et de l’humiliation à :

  • Aller demander du papier toilette tout en précisant combien de feuille(s) il nous faut.
  • Ne pas pouvoir se laver les mains
  • Ne pas pouvoir fermer la porte
  • Devoir demander l’autorisation pour y aller quand c’est nécessaire
  • Devoir choisir entre prendre un peu l’air ou faire 10 min de file pour aller vite aux toilettes
  • Aller dans des toilettes desquelles les adultes de l’école ne s’approchent jamais (et ne feront surtout pas leurs besoins dedans, berk !)
  • Tenter à tout prix de cacher ses parties intimes de peur que d’autres les prennent en photo par-dessus ou au-dessous des cloisons.
  • (laissez libre cours à votre imagination !)

Pourquoi faisons-nous subir cela à nos enfants ? Qu’ont-ils comme moyens pour réagir ? Bernard De Vos explique : « Face aux violences institutionnelles, les jeunes réagissent par des violences individuelles, punissables, qui vont les mettre au ban de l’école puis peut-être, plus tard, au ban de la société. [12]».

Stratégies d’évitement

Les enfants mettent en place différentes stratégies d’évitement afin de ne pas se rendre aux toilettes à l’école, ou en tout cas le moins possible : se retenir de boire, de manger certaines choses, y aller à plusieurs quand c’est vraiment le moment, y aller quand un adulte est à proximité, pendant les cours … et surtout, se retenir un maximum ! Et ce, avec tous les dégâts que cela peut occasionner sur la santé physique et mentale ainsi que sur les résultats et la concentration des jeunes. Ces stratégies sont souvent développées dès le plus jeune âge et intériorisées, les enfants n’y pensent même plus. « 68% des enfants ont élaboré des stratégies d’évitement ou d’adaptation, 78% dans les établissements de 300 élèves ou plus. [13]». À quand des toilettes où chaque élève pourra se rendre en toute sécurité quand il ou elle en a besoin sans craintes ou stress ? Pourquoi accepter pour nos enfants des situations que nous, adultes, n’acceptons pas pour nous-mêmes, tant à la maison qu’au travail ou dans d’autres endroits publics ?

[1] LIEBER M., « Le sentiment d’insécurité des femmes dans l’espace public : une entrave à la citoyenneté ? », dans Nouvelles Questions Féministes 2002/1, ch. 20.

[2] MINCKE C., « Insecurity and the feeling of insecurity in Brussels, What the Security monitor tells us », dans Brussels Studies, 2010.

[3] FANSTEN M., « Insécurité et sentiment d’insécurité en milieu urbain : évaluer, comprendre, pour agir plus efficacement. Ce que nous apprennent les enquêtes statistiques », dans Variances.eu, 2018.

[4] Ibidem

[5] Y. N., « Mon fils de trois ans, la tête dans les toilettes », sur dh.be, 2014.

[6] SUDINFO, « Louise, violée à 13 ans dans les toilettes d’une école d’Arlon », dans Sudinfo.be, 2018.

[7] GALAND B., HOSPEL V. & BAUDOUIN V., « Prévalence du harcèlement en Fédération Wallonie-Bruxelles : rapport d’enquête », GIRSEF – UCL, 2014, p. 12.

[8] BANCAUD D., « Pourquoi les élèves évitent-ils d’aller aux toilettes dans leur établissement ? », dans 20minutes.fr, 2017.

[9] CNESCO, « La qualité de vie à l’école. L’école française propose-t-elle un cadre de vie favorable aux apprentissages et au bien-être des élèves ? Dossier de synthèse », 2017, p. 16.

[10] BANCAUD D., « Pourquoi les élèves évitent-ils d’aller aux toilettes dans leur établissement ? », dans 20minutes.fr, 2017.

[11] ESSITY FRANCE, « Toilettes à l’école : les enfants au bout du rouleau. Pourquoi l’hygiène des toilettes à l’école primaire n’est toujours pas une priorité en 2018 », Saint-Ouen, 2018, p. 3.

[12] DE VOS B., « Parce qu’il n’y a pas de petits droits », dans Fondation Roi Baudouin, Sanitaires à l’école : levons le tabou, p. 18.

[13] ESSITY FRANCE, « Toilettes à l’école : les enfants au bout du rouleau. Pourquoi l’hygiène des toilettes à l’école primaire n’est toujours pas une priorité en 2018 », Saint-Ouen, 2018, p. 14.

Aller vers une amélioration de la situation

Concrètement, si l’on veut (enfin) faire bouger les choses dans tous les établissements scolaires, le budget n’est pas le seul manquement à blâmer. Ce travail doit venir d’un réel projet prioritaire de l’ensemble de la communauté éducative. Et si, à force de parler de changement, nous les mettions réellement en place ? « Accepter de reconsidérer collectivement ce que signifie œuvrer pour la propreté et le confort de tous et toutes est la seule solution pour que les toilettes scolaires cessent d’être le lieu de la honte, du harcèlement et de la saleté[1]».

Prendre les enfants au sérieux

Et si l’on commençait par écouter les jeunes ; par entendre ce qu’ils ont à nous dire ? La conception des toilettes est encore trop souvent celle héritée du XIXème siècle : « Elles devaient être conçues pour que les élèves y séjournent un minimum de temps. La hantise des pratiques sexuelles a principalement guidé les autorités administratives et médicales. Elles ne pouvaient être envisagées comme des lieux accueillants (…). De nos jours, la construction des « cellules de WC » s’appuie toujours sur ces principes : visibilité et séparabilité. Il s’agit de surveiller défécation, miction et sexualité tout en cachant les zones érogènes[2]. ». Sauf que les enfants ne se sentent pas bien dans ce genre d’endroit ! Ils ne sont pas capables d’y aller en sécurité et de jouir d’une réelle intimité nécessaire à ce pour quoi ils sont venus. Les enfants, dès le plus jeune âge, ont besoin de développer leur hygiène et leur intimité, pourquoi ne pas leur demander ce dont ils ont besoin ? Et tenter d’aménager les lieux pour y répondre au mieux ? Parce qu’attention, si nous nous mettons enfin à les écouter, il faudra agir ensuite ! Et vous savez quoi ? Parfois, ça marche ! Il suffit de regarder la quantité de projets mis en place grâce à l’appel à projet « Ne tournons pas autour du pot »[3]. Ces projets mettent en place une réelle collaboration et les jeunes sont tout autant acteurs des changements que les adultes. De quoi se réapproprier leur lieu, leur intimité, le respect de leur espace. Réfléchir les toilettes, c’est montrer aux jeunes que l’école et les adultes les respectent, que ce respect va dans toutes les directions, entre toutes les personnes qui se côtoient et envers leur cadre de vie à tous et à toutes.

« Ce n’est qu’un jeu entre enfants »

Tout « jeu » n’est pas forcément de la violence, mais souvent, d’une manière ou d’une autre, la violence commence par n’être qu’un jeu pour la ou les personnes qui l’instaurent. Si, en tant qu’adultes, nous ne stoppons pas les actes de violences, cela ne s’arrêtera jamais pour les élèves concernés Avoir une attitude passive est déjà un message, stoppons directement les moqueries, bousculades et autres éléments qui, mis bout à bout, constituent parfois un véritable calvaire pour toute une série d’enfants. Soyons à l’écoute et ne laissons pas les toilettes devenir le lieu d’expression de ces « jeux ». Arrêtons de minimiser ce que les enfants peuvent faire subir les uns aux autres et soyons à leur écoute dans chaque moment. Que la parole se délie à l’école, à la maison ou ailleurs, il est indispensable de collaborer afin que cela cesse et que l’enfant puisse enfin se sentir en sécurité et s’épanouir. À nous de travailler ensemble, parents, équipe éducative et corps enseignant, de repérer les signes : est-ce que le même enfant demande systématiquement à aller aux toilettes pendant les cours ? Est-ce que le même enfant se plaint de maux de ventre de peur de se rendre aux toilettes ? Quels messages faire passer en classe ? Quelle sensibilisation ? Est-ce que les valeurs de l’école et sa pédagogie doivent s’arrêter aux portes des toilettes ?

  • Harcèlement à l’école : Numéro vert – Ecole et Parents – 0800/95 580 – Lu-Ve de 9h à 13h.

Selon Bernard De Vos, « on parle beaucoup du harcèlement à l’école. Il s’agit d’une question légitime à laquelle il faut être attentif. Mais si nous commencions nous-mêmes à respecter les enfants dans les milieux où ils sont scolarisés, il y aurait beaucoup de chances qu’ils entrent dans des dispositions d’esprit différentes. C’est un cercle vertueux ; auquel je vous incite et vous invite collectivement à entrer.[4] ».

Nouvelles infrastructures

Chaque nouvelle école devrait être construite en portant une attention particulière aux sanitaires. Comment faire en sorte que ces lieux puissent faire partie à part entière de l’école ? Comment les rendre accueillants et sécurisants pour tous ? Devons-nous continuer à construire de gros blocs sanitaires à l’écart, souvent dans la cour, froids, rassemblant de nombreuses cuvettes, aux portes et cloisons proposant peu d’intimité ? Ne pourrait-on envisager des espaces plus dispersés par exemple ? Plus proches des lieux de cours ? Des lieux accessibles à la surveillance des adultes tout en permettant aux élèves de se satisfaire sans traverser toute l’école avant de trouver une toilette où cela sera possible ? Lors de travaux ou de réaménagements des bâtiments scolaires, le même soin qu’au reste de l’école pourrait être apporté aux sanitaires. Quelles valeurs avons-nous envie de transmettre à travers ces lieux ?

[1] TOURRET L., « Tout le monde se fiche depuis toujours des toilettes scolaires (et c’est un problème) », dans slate.fr, 2018,

[2] LIEBEMAN S., « Toilettes à l’école, sourde violence », dans revuepolitique.be, 2010.

[3] Ne tournons pas autour du pot – rubrique « Ils l’ont fait » sur https://netournonspasautourdupot.be/ils-lont-fait/

[4] DE VOS B., « Parce qu’il n’y a pas de petits droits », dans Fondation Roi Baudouin, Sanitaires à l’école : levons le tabou, p. 18.

Conclusion

Si l’on veut prendre soin de nos enfants, contribuer à leur bien-être et à leur épanouissement tout au long de leur parcours scolaire, il serait temps de valoriser les toilettes, d’en faire un lieu où chacun et chacune pourra se rendre en toute sécurité pour exécuter ses besoins corporels sans crainte que d’autres ne profitent de ce moment pour…. Les toilettes doivent faire partie de la pédagogie mise en place par l’école, que ce lieu puisse être montré avec fierté à chaque nouvelle personne qui entrera dans l’école. Une école qui prend soin de ses élèves doit aussi se traduire à travers la manière dont les sanitaires sont gérés dans celle-ci.

Il est étonnant que les élèves n’aient pas (encore) décidé de faire une grève, un blocus de leur école pour exiger des conditions de travail décentes … comme l’auraient déjà fait les adultes dans des conditions semblables :  Exigé plus de moyens, parlé à leurs syndicats et alerté la presse ! Mais que font les jeunes ? Les règles et sanctions mises en place par les adultes sont-elles tellement convaincantes et contraignantes au point de leur faire accepter ces conditions de vie ? Que la manière de formuler la demande « puis-je, s’il vous plait, me rendre aux toilettes ? » avec toute l’humilité et l’humiliation que cela exprime est plus importante qu’un besoin physiologique a juste besoin d’être assouvi ? Avons-nous intégré à ce point « qu’il faut passer par là » pour grandir et intériorisé ce concept au point de ne pas voir les signaux de détresse de nos enfants ? Ce sujet relève-t-il trop de « l’intime » (paradoxalement absent des infrastructures) pour en faire un souci individuel que les autres jeunes ne partagent pas ?

Et si l’on rêvait, dès maintenant, d’espaces d’intimité dans lesquels chaque jeune pourrait s’épanouir durant ses années d’école…

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