L’analyse en un coup d’œil
L’école est un univers très particulier, rempli de gens heureux, épanouis et attentifs les uns aux autres, évoluant dans le respect et veillant au développement de l’estime de soi de chaque jeune qui peuple ces établissements scolaires en parfait état.
Bon, en vrai maintenant ! Les écoles sont des lieux d’apprentissage, et cela se fait parfois dans la douleur. Tout au long de la journée, de l’année scolaire, de nombreux enjeux humains prennent place dans ce cadre et les relations développées vont avoir un réel impact sur chaque personne présente. Certaines expériences sont meilleures que d’autres, mais toutes ont un impact et les différentes personnes vont devoir s’ajuster les unes aux autres en tenant compte de facteurs objectifs, mais surtout humains, et donc peu prévisibles.
Dès lors, comment gérer une relation qui part mal ? Qui se déroule moyennement bien ? Comment apprendre de ses erreurs lorsque l’on se trouve dans une posture d’élève, d’enseignant·e ou de stagiaire ? Le tout étant de voir ce qu’il est possible de faire de cette expérience et de voir en quoi elle pourra faire grandir tout le monde. Vraiment tout le monde.
Nous nous focaliserons ici sur un cas bien précis qui ne reflète qu’un seul vécu et n’est donc pas une généralité à appliquer à l’ensemble des stagiaires, enseignant·e·s et élèves. Ce témoignage permet d’ouvrir une porte de réflexion et ne condamne personne.
Télécharger l’analyse : “Être un stagiaire, tu sais, c’est pas si facile (et un élève encore moins)“, une analyse de Daphné Renders.
Des contrôles ratés, et des questions plein la tête…
Lors d’une rencontre avec un groupe de parents d’élèves, une maman raconte une expérience scolaire personnelle et demande un décodage de la situation. Sans animosité, juste de l’intérêt et une volonté de comprendre ce qui a pu animer un stagiaire à user « à ce point » de son stylo-bille rouge et de commentaires négatifs. Il n’en fallait pas plus pour que nous décidions de mener une petite l’enquête afin de comprendre un peu plus ce qui peut se jouer entre élèves-stagiaire-enseignant-et parent. Quand ces acteurs-là se rencontrent, qu’est-ce qui se raconte ? Petit décodage d’une situation, prêts ?
En mai dernier, à la suite d’une discussion sur la scolarité de son fils, une maman nous interpelle et nous explique la situation suivante : « Mon fils est en première secondaire et il a un jeune professeur de français que toute la classe adore ! Il est jeune, dynamique, créatif, sévère (3 cours oubliés = une retenue). Il a développé une très bonne relation avec toute la classe. Aux réunions de parents, un dialogue respectueux et constructif s’est développé. En avril et mai, il a accueilli un stagiaire. Ce stagiaire était en reconversion professionnelle et était donc plus âgé que l’enseignant proche de la trentaine. Son style était différent de celui du professeur moins drôle et détendu dirait mon fils. Ce stagiaire a fait passer deux interrogations à la classe, et là, c’était le choc des mots et des images : feuilles rouges, remplies de points d’exclamation et de mots soulignés ou entourés. Ma première impression a été de dire Il devait vraiment être en colère ton stagiaire !?. Ensuite, je me suis demandé ce qu’un enfant de 12 ans pouvait ressentir ; il me parle de sentiment de violence, d’agressivité, d’injustice : c’est comme s’il me criait dessus ; j’ai bien écrit dans le cadre, je n’ai pas fait de ratures, c’est même plus propre que les autres fois. Mais c’est pas grave, les points ne sont pas pour le bulletin. Comme toute la classe était en échec, le professeur a annulé ces points et a expliqué à ses élèves qu’avant de se permettre de faire des commentaires, le stagiaire devrait apprendre à noter. Message reçu par les élèves qui relaient l’information aux parents. Bonne nouvelle car la période était correcte. Bon, je dois bien constater que l’accord des participes passés, ce n’est pas encore acquis, mais la construction du passé composé est, elle, correcte. Je vois où est le problème, c’est déjà ça. Mais c’est à qui de le résoudre ? À qui s’adressent les commentaires dans le fond ? Prise dans mes réflexions, de fil en aiguille, je me réinterroge sur l’utilité de ces points : sont-ils indispensables pour apprendre ? Je pense que les enfants apprennent de leurs erreurs et que des commentaires stériles du genre à revoir très sérieusement !!! ou absolument ILLISIBLE !!! n’apportent strictement rien. Au-delà de ma situation personnelle, je me suis réellement interrogée sur ce qui motive des futurs profs à enseigner et sur l’efficacité de la pédagogie utilisée. Mais que s’est-il passé dans la tête de ce stagiaire ? »
Nous tenterons ici de décoder une situation particulière avec notre regard de parent, à chercher à comprendre ce cas précis sans avoir discuté avec l’enseignant ou le stagiaire lui-même, en partant uniquement d’un ressenti d’élève et de parent. Ce ne seront donc que des suppositions tout au long de cette analyse et en aucun cas une vérité absolue. Nous ne voulons pas non plus rejeter la faute sur une personne en particulier, nous ne cherchons pas un « coupable » mais davantage à questionner une situation dans laquelle un parent peut se retrouver démuni face aux questions et interrogations de son enfant.
Des analyses différentes selon les points de vue
Afin d’analyser la situation apportée par ce témoignage, nous avons décidé de consulter différentes personnes ressources, à savoir du personnel enseignant et une direction. L’idée est de croiser les regards, les expériences, les explications : ce sentiment d’agressivité ressenti est-il excessif ? Existe-t-il une explication pédagogique à ces commentaires que le parent ignorerait ? Ces commentaires ont-ils une efficacité ? Est-ce pédagogique ? Peut-on construire une relation sur cette base ?
Être stagiaire, une expérience scolaire formative
Se positionner face à une classe
Les réactions sont identiques: il n’est pas facile du tout d’être stagiaire et d’arriver dans une classe, pendant quelques heures, quelques jours ou quelques semaines. Dans cette partie de l’année (aux alentours des congés de printemps), une dynamique est déjà bien en place, les élèves et les profs ont appris (ou pas) à fonctionner ensemble et savent à quoi s’attendre. Arriver dans une classe peut bien sûr être une source de stress et de malaise pour ces stagiaires en formation. « Comment je me présente ? Comment je m’adresse à eux ? Où je me mets ? Qu’est-ce que je fais de mes mains ? » Autant de questions qu’ils vont se poser avant même d’avoir ouvert la bouche face aux élèves. Autant les cours suivis ont peut-être apporté des réponses théoriques à ce genre de craintes, autant se retrouver devant une classe d’élèves pour la première fois n’est jamais facile. Il n’existe pas de recette parfaite unique.
Dans sa manière de décoder la situation, Mme D. se demande si le stagiaire n’était pas trop proche de propre expérience d’élève. « Peut-être était-il dans une école « stricte » avec un niveau d’exigence élevé, peut-être cette exigence s’est-elle durcie à travers le temps dans ses souvenirs ? ». Cette barrière qui a été mise avec les élèves, selon elle, se ressent très fort dans la correction des deux interrogations ; cela pourrait expliquer la mise en place d’une « d’une protection, une manière de se cacher derrière des rôles stricts afin de ne pas trop sympathiser avec les jeunes et prendre le risque de ne pas être respecté. » Cette crainte nous a également été rapportée comme étant très souvent une préoccupation de stagiaire : « Je fais comment pour me faire respecter ? ». Quel est donc ce respect attendu ? Une classe calme et attentive, dans une attitude passive ? Avec des élèves qui ne bougent pas et parlent uniquement lorsqu’une question leur est posée ?
Ce qui est difficile, en se retrouvant dans une classe, nous explique-t-on, c’est que « les stagiaires doivent faire face à l’imprévisibilité » : en classe, les stagiaires ne sont pas en théorie. « En situation réelle, impossible de rendre concret l’idéalisation de la situation. En théorie, le stagiaire sait comment s’adresser aux élèves, se positionner à tel endroit, écrire telle chose au tableau, apporter tel élément de matière à tel moment, mais la vie dans une classe est parsemée d’éléments inattendus. Le stagiaire peut connaitre la matière enseignée sur le bout des doigts, il se retrouve malgré tout face à une classe composée d’élèves qui sont obligés d’être là et qui ne représentent donc pas le public le plus réceptif. ».
Dans le cas présent, le stagiaire ne connait pas les élèves, il n’a pas non plus le temps de construire une relation forte avec eux, une relation qui part sur des bases positives et qui note l’évolution individuelle de chaque jeune. En somme, il n’est pas en mesure de regarder l’acquisition des différentes compétences en fonction du parcours de chaque jeune. « Cette situation est un premier pas (ou peut-être déjà un deuxième ou un troisième) dans l’approche du métier, mais est-ce qu’on lui permet de le faire dans les meilleures conditions possibles ? Je sais que pour mes élèves, avril-mai n’est pas vraiment la meilleure période de l’année, surtout avec les vacances au milieu, mais ils n’ont pas toujours le choix (les stagiaires), nous explique M C.
Les points, la ponctuation et le rouge : des outils pédagogiques ?
Sur cet aspect, nos personnes ressources supposent un certain malaise et une exigence disproportionnée vu la quantité de rouge et de points d’exclamation sur les deux interrogations. « Quelle terrible fracture dans une relation naissante, difficile de mettre plus de barrières ! » nous dit M. P., directeur. Ce n’est qu’une hypothèse explicative, Mme H. se demande : cette agressivité pourrait être « probablement inconsciente, une sorte de frustration face aux attentes du stagiaire et aux résultats qui n’y sont pas dans les interrogations. Attendait-il une maitrise parfaite de la matière ? Est-ce un sentiment d’échec personnel si les élèves n’arrivent pas au résultat attendu ? Une menace envers la classe ? Une réaffirmation de son autorité ? Une manière d’exprimer ses frustrations ? Voir même une vision idéalisée du futur métier d’enseignant vers lequel il se dirige et qui ne répond pas exactement à ses attentes ? », se demande Mme H.
Évaluer et coter les élèves n’est pas une pratique anodine. Dès que des points sont mis, a-t-on le droit à l’erreur ? À l’essai ? « À partir du moment où un travail est noté, le droit à l’erreur n’existe plus, les élèves pourront alors se classer parmi les autres, la centration se fera sur le résultat et non sur le processus, les progrès ne seront pas pris en compte, etc. Et la note ne donne aucune indication sur ce que je sais faire, ni sur ce que je devrai encore apprendre.[1] »
Nous aurions envie de rajouter : la note ainsi déposée ne renseigne pas non plus sur les raisons de l’échec et ce qui va être mis en place à l’école, en classe pour résoudre la difficulté d’apprentissage. Le parent voit les points, doit souvent signer l’interro, mais ne sait que trop rarement ce qui est mis en place pour combler ces lacunes. Devra-t-il prendre du temps à la maison pour le faire lui-même ? Engager quelqu’un pour le faire en dehors des heures scolaires ? Qui a la responsabilité de l’analyse pédagogique des erreurs ?
Dans cette situation, puisqu’une grille de cotation a été mise en place, pourquoi enlever un point supplémentaire pour le soin ? Quelles étaient réellement les compétences visées à travers ces deux interrogations ? Le soin ? Le passé composé ? L’accord du participe ? Est-ce que ces objectifs transparaissent réellement dans la grille de cotation ? Tout cela semble se mélanger.
Finalement, stagiaire ou prof, les paroles écrites, dites, les actes posés ont un impact sur les élèves. « Ces jeunes de 12-13 ans sont extrêmement réceptifs aux propos et jugements sur leur personne, surtout quand l’adulte qu’ils ont en face d’eux fait figure d’autorité (…) » nous souligne Mme J. Et même s’ils savent que cet adulte est lui-même en apprentissage, l’impact sur leur confiance en eux existe. « L’évaluation est une pratique qui est loin d’être anodine puisque, à terme, elle aboutit à des prises de décisions centrales dans la trajectoire scolaire de chaque élève. Même si le rapport entretenu avec la notation doit être repensé en profondeur, cela n’est pas suffisant pour garantir une évaluation utile pour les élèves, qui permette à la fois d’apprendre, de se sentir bien en classe et de fédérer les groupes classes.[2] »
[1] MOUGENOT L., « Évaluer autrement. Faut-il en finir avec les notes ? », sur Edu-caref, Recherches en éducation et formation, 01.04.2018.
[2] MOUGENOT L., « Évaluer autrement. Faut-il en finir avec les notes ? », sur Edu-caref, Recherches en éducation et formation, 01.04.2018.
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Devenir prof, un long processus
En discutant avec Mr. P., directeur, celui-ci nous raconte : « Si nous devons réfléchir aux enseignant·e·s qui nous ont marqués, que ce soit de façon positive ou non, nous avons beaucoup plus d’exemples et d’anecdotes qui nous reviennent. Parce que c’est ça que nous gardons avec le temps, des histoires, des relations, des échanges, une confiance qui est établie ou non, des émotions, des mots bienvenus, … ou malvenus, un décalage parfois fort entre l’adulte qui se trouve face à la classe et les jeunes avec toutes leurs particularités. »
Relation de confiance
Mme J. insiste quant à elle sur la mise en place de cette relation de confiance : « En tant qu’enseignante, je trouve qu’il est indispensable d’établir une relation de confiance réciproque avec ses élèves afin de tous les faire progresser positivement dans leurs apprentissages ». De nouvelles études sont régulièrement consacrées à ce sujet et les bienfaits d’une relation humaine et équilibrée qui fera évoluer et grandir chaque jeune sont connus[1]. Que ce soit dans la formation de jeunes ou d’adultes, « le formateur, son style d’enseignement, sa personnalité, sa motivation jouent fortement sur la qualité de l’apprentissage des élèves.[2] » Et ici, cette relation semble bien établie et efficace puisque l’ensemble de la classe adore son enseignant de français. Cette relation se construit, elle n’est pas gagnée, surtout si on part de l’idée que les expériences scolaires sont très différentes d’un jeune à l’autre et donc que leur réceptivité n’est pas égale.
Tout au long de l’année, cette relation a pu se construire, se développer et s’entretenir. D’après Mme J. : « Je n’oublie jamais que j’ai des êtres humains en face de moi, qu’ils arrivent avec leurs histoires, leurs humeurs et leurs passés. Et ça se sent, si la classe est dans une dynamique productive ou pas. Et oui, je préfère prendre 5 ou 10 min en début de cours pour leur permettre de s’exprimer quand ça ne va pas plutôt que de chercher à donner ma matière à tout prix. Surtout que si je ne fais pas ça, ils ne vont vraiment pas avancer. Je trouve très important de créer un dialogue avec eux, de leur montrer qu’on peut se dire les choses, d’enlever les barrières « prof » / « élèves » pour être des humains avant tout. ». Cette relation pourrait se construire à travers le dialogue, et sûrement pas avec du rouge plein les feuilles. Chaque élève a ses particularités et une des difficultés du métier d’enseignant, d’après nos regards de parents, est de tenir compte de celles-ci tout en ayant un groupe en face de soi, une classe entière où les particularités n’ont pas toujours la place de s’exprimer. Nous pouvons même rajouter : « Parce qu’ils côtoient les élèves quotidiennement ou sur une base régulière, les enseignants établissent des relations qui influencent, au-delà des contenus qu’ils enseignent ou des compétences qu’ils tentent de faire acquérir, le bien-être affectif, la motivation, les résultats ou même le choix de carrière, pour ne nommer que ces éléments. Il est donc du devoir de tout adulte qui œuvre dans une école, particulièrement les enseignants, de prendre les moyens nécessaires afin de développer et entretenir des liens significatifs avec chacun des élèves qui lui sont confiés.[3] ». Dès lors, nous ne pouvons que souhaiter que chaque enseignant·e mette en place des attitudes encourageantes et positives à l’égard des élèves de la classe.
L’accompagnement du stagiaire
Concrètement, le stagiaire est lui aussi en situation d’apprentissage, sans quoi il n’aurait pas besoin de faire de stages. Dès lors, il ne s’agit pas juste de se retrouver face à une classe, mais bien de l’accompagner tout au long de ce processus qui déborde bien au-delà de la classe elle-même.
Ici, nous pouvons tout à fait sentir l’ambiguïté possible de la relation entre l’enseignant et son stagiaire. Le stagiaire est plus âgé et possède une autre expérience professionnelle puisqu’il change de choix de carrière. « En toute hypothèse, à froid, la légitimité de l’enseignant par rapport à leur différence d’âge a peut-être été un facteur de décalage, une sorte d’incompréhension entre les deux hommes. L’enseignant s’est-il senti légitime de recadrer un stagiaire plus âgé et possédant une autre expérience ? Il s’est en tout cas senti légitime pour annuler les points et exprimer aux élèves son point de vue sur celles-ci. ».
Mr. A., enseignant en primaire : « Quand j’ai des stagiaires, je leur demande leurs prépas à l’avance afin de voir quels sont les objectifs visés, les compétences à développer et surtout les résultats attendus. Et bien sûr, je leur demande de me donner à l’avance leurs exercices et les évaluations. Dans tous les cas, je suis disponible pour en discuter ou répondre à leurs questions lorsqu’il y en a. Je leur demande aussi de me fournir les évaluations corrigées avant de noter les résultats pour voir s’ils n’ont pas été trop sévères par exemple. Au bout d’un moment, ils ont compris comment je fonctionne et ça roule. » L’enseignant a-t-il eu l’occasion d’effectuer cet accompagnement ici ? De voir avec le stagiaire quelles étaient les compétences visées et les objectifs de ces deux évaluations ? De voir les évaluations avec qu’elles ne soient rendues aux élèves ? Laissé une place au stagiaire pour rectifier le tir ? Le temps l’a-t-il permis ?
Rétablir cette relation ?
Vu la dureté de la cotation et le découragement que cela a pu provoquer chez les élèves, l’enseignant a peut-être cherché, d’après notre regard extérieur de parent, à rétablir la relation qu’il avait développée avec eux. La façon de dénoncer la dureté de son stagiaire n’était peut-être pas la plus délicate, mais nous pouvons tout à fait imaginer qu’il cherchait à dire aux élèves que le stagiaire s’était montré trop sévère, n’avait pas assez tenu compte de leurs particularités. L’enseignant semble ici juger la dureté du stagiaire dans la mise en place des deux évaluations. Nous pouvons juste espérer que ces remarques lui ont été également formulées afin qu’il puisse s’ajuster lors de son prochain stage ou de son entrée en fonction.
[1] RENAUD R., « Une bonne relation enseignante-élève : un tremplin pour la réussite scolaire », sur Université de Sherbrooke – Faculté d’éducation, 15.09.2009.
[2] IFORPRO, « Les bases de la relation pédagogique formateur/apprenant », sur ifopro.com, 29.10.2014.
[3] BRAZEAU F., « La relation enseignant-élève : un outil de réussite scolaire », sur lesfaitsenseignants.blog, le 05.02.2017.
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Être élève, pas toujours facile non plus
Les élèves en situation d’apprentissage ne sont pas toujours ouverts et réceptifs aux cours qui leur sont donnés, et ce pour plein de raisons aussi différentes que possibles : le sens de ce qui est enseigné n’est pas explicite et/ou compris, pas de plaisir à étudier, perte d’intérêt, démotivation, mauvaise journée, mauvaise humeur, esprit occupé par d’autres choses, disputes, tracas, faim, soif, envie de faire pipi, fatigue, déconcentration, ennui, etc. Finalement, le réel enjeu est justement d’intéresser et motiver cette vingtaine de jeunes pendant des périodes de 50 minutes.
Nous en parlions, la relation développée avec leurs profs peut être un facteur de motivation et d’intérêt pour beaucoup de jeunes. Cette relation se développe et se construit petit à petit au cours de l’année. « On sent très vite quand un prof s’intéresse à nous, nous connait, sait de quoi on est capable. » nous explique un groupe d’élèves. Cette relation a un réel impact sur l’estime de soi des élèves. L’effet Pygmalion[1] en est le meilleur exemple : lorsque qu’un·e enseignant·e est persuadé que ses élèves vont y arriver, ceux-ci seront beaucoup plus encouragés et stimulés, leur confiance en eux ne va faire que grimper et chaque jeune obtiendra des résultats positifs, peu importe le point depuis lequel il part. Si les élèves sentent une fracture, une barrière relationnelle, les bénéfices observés seront moindres. « Et cela passe, par exemple, par la position que l’on prend, par le ton et la manière de s’adresser à la classe, notre non-verbal, mais aussi la manière dont on met des points. », nous dit Mme H.
Ici, du point de vue des élèves, l’impact de ces deux évaluations aurait pu être très net : tristesse, incompréhension, dégoût, colère, frustration, peur (il faut l’annoncer aux parents) : « Ces sentiments négatifs vont peut-être motiver l’un ou l’autre élève dans la classe à se dépasser, mais le plus grand nombre va probablement choisir un autre chemin. »
Les parents auront donc dû prendre connaissance des résultats, signer les contrôles annulés et comprendre le message relayé par leur enfant. Il est probable que ces interrogations aient été assez mal accueillies : « T’es sûr ? tu as bien compris ? Le bulletin, c’est la semaine prochaine ! Parce que là, ta moyenne ça va, mais avec un 7/15 et un 3/20, tu risques d’être en échec ! Tu veux qu’on fasse des exercices en plus ? ». Les enfants et les parents sont stressés par les points. Dans ce cas précis, on l’a vu, les effets « mauvais points » ont été effacés. Mais si cela n’avait pas été le cas ? C’est que l’évaluation par les points, quand ceux-ci sont positifs, c’est agréable, source de valorisation, bon pour l’estime de soi. Quand les points sont (encore une fois) négatifs, c’est l’inverse. Le jugement négatif du prof – la réception de sa colère rouge éventuellement ressentie dans ses commentaires – sera peut-être suivie d’une réaction parentale également.
Mais au fait, faut-il des points pour apprendre ? Les points, bâtons ou carotte ? Les points, les commentaires en rouge, est-ce pédagogique ? Le droit à l’erreur, le droit de se tromper, de s’entraîner « pour du beurre », est-ce un luxe ? Est-ce-mal ? Est-ce anti pédagogique ?
Finalement, nous avons tenté de décoder cette situation avec notre regard de parent et nos propres préoccupations. Peut-être avez-vous un autre ressenti ? Peut-être auriez-vous réagi différemment ? À nouveau, nous nous sommes retrouvés face à une situation individuelle qui n’est pas à généraliser. D’autres facteurs sont peut-être rentrés en jeu, certains auxquels nous avons pensé ne l’étaient pas. Finalement, développer une relation et l’entretenir, ce n’est pas une science exacte et nous sommes toutes et tous humains, nous faisons tous et toutes des erreurs. Alors autant apprendre de celles-ci.
[1] DESWARTE E., « L’effet pygmalion à l’école », sur psychologie-scociale.com, consulté le 18.06.19.
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Télécharger l’analyse : “Être un stagiaire, tu sais, c’est pas si facile (et un élève encore moins)“, une analyse de Daphné Renders.