Cette carte blanche de la FAPEO a été publiée le 21.10.2020 sur le site du Soir. Pour la lire, c’est par ici.
Carte blanche de la Fapeo: “Pourquoi les parents sont-ils fatigués?”
Dans les conditions d’enseignement actuelles, la plupart des parents rencontrent de grandes difficultés à épauler leurs enfants dans leur apprentissage scolaire. Il faut rectifier le tir, estime la Fapeo.
Que l’accès à l’enseignement soit une priorité, les parents sont d’accord. Ce qui est important, c’est de concilier enseignement et éducation dans les conditions de vie scolaire et familiale actuelles. Cela ne se passe pas trop mal dans le fondamental. En revanche, c’est beaucoup plus compliqué dans le secondaire. Voilà pourquoi.
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Une école qui s’apparente au bagne
Vouloir l’école à n’importe quel prix ? Non. Les parents et les jeunes témoignent de leur sentiment de fatigue face à une scolarité en secondaire qui malmène le moral et l’organisation des familles. Chaque élève mérite d’être accueilli à l’école dans des conditions qui lui permettent à la fois d’apprendre et de construire des liens sociaux positifs avec ses pairs et avec les adultes de l’équipe éducative. Des parents sont fatigués de constater que certaines écoles ne sont pas un lieu de vie agréable et épanouissant.
Certains parents rapportent les difficultés pour les enfants de porter le masque sans pauses régulières, de devoir se taire, de se concentrer, de comprendre, de s’exprimer. Ces parents sont fatigués d’entendre que leur enfant a été puni car il touchait son masque. L’école, pour certains élèves, s’apparente au bagne.
Les ados ne sont pas dans de bonnes situations d’apprentissage. Ils n’ont pas la capacité de se projeter dans leur année scolaire de manière sereine et c’est, dans certaines écoles, au pas de charge qu’ils ont entamé les premières semaines de l’année : 47 contrôles en quatre semaines de cours, qui dit mieux ? Les parents sont fatigués de devoir coacher au quotidien. Ils s’inquiètent déjà de la fin de l’année scolaire, comme si juin et ses conseils de classe, c’était déjà demain.
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Les parents, ces oubliés
Les infrastructures scolaires, qui ont fait face à l’usure du temps et à la hausse de la démographie scolaire, sont bien souvent vétustes. Ce n’est pas nouveau. Avec les conditions d’hygiène nécessaires pour faire face à la propagation, elles ne permettent pas de manière optimale de respecter les gestes barrières et les règles d’hygiène. Les parents sont fatigués de le dénoncer.
Les élèves ne sont pas seuls. Parents et adultes responsables les accompagnent chaque jour. L’école est une partie constituante de la vie familiale, mais ce n’est pas l’essentiel. Les parents aussi ont besoin d’éduquer leurs enfants dans de bonnes conditions. Et on le sait, les conditions de vie sont socialement loin d’être égalitaires. Derrière les chiffres, il y a des familles en difficulté, en situation de précarisation. Les parents sont fatigués de subir les conséquences économiques de la crise. Les parents sont fatigués d’être les oubliés, comme leurs enfants.
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Une improvisation insupportable
Depuis les dernières semaines, les parents doivent du jour au lendemain organiser une mise en quarantaine pour leur enfant et par ricochet pour eux-mêmes. Des médecins nous rapportent aujourd’hui qu’ils mettent en quarantaine des enfants qui l’ont déjà été il y a 1 mois. Les enfants expliquent qu’il manque 3 à 4 élèves en classe tous les jours ; d’autres qu’ils passent 5 périodes de cours sur 8 en salle d’étude. Des classes ferment. Des écoles ferment. L’incertitude plane dans les familles. Imaginer le lendemain, se projeter dans le futur, devient de plus en plus difficile. Les parents sont fatigués de l’improvisation qui leur est imposée.
L’attention apportée à chaque élève, d’un point de vue pédagogique, a fait rêver plus d’un parent. Dans les faits, ça n’existe pas. Les moyens supplémentaires pour le 1er trimestre ne sont pas là. Après 4 semaines de « rattrapage », des écoles renvoient explicitement vers le marché du soutien scolaire pour compenser, en proposant un opérateur de soutien scolaire spécifique : « 7,5/30. Compétences non acquises. A retravailler!!!! ». Où ça ? Avec qui ? A quel prix ? Les parents sont fatigués de devoir payer plus pour que leur enfant ait une chance de réussir. Comment font ceux qui n’en ont pas les moyens ?
Les parents ne comprennent pas que les écoles ne soient pas prêtes pour équiper les élèves qui en ont besoin. C’est en chantier depuis 6 mois et présent dans le Plan stratégique de rentrée. Les parents sont fatigués d’attendre.
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Un sentiment d’incompétence
Toutes les écoles secondaires ne sont pas prêtes pour gérer l’hybridation pédagogique. C’est difficile de recevoir les cours, de se connecter à une plate-forme. Les élèves n’ont pas été formés à son usage. La fracture numérique n’a pas été résolue depuis le début de cette crise. Les parents, en plus de leur charge familiale, doivent faire du support informatique. Les parents sont fatigués d’être des super-héros, de devoir composer dans la précipitation avec les aléas pédagogiques. Et, encore plus grave, de se sentir souvent incompétents et mis en échec.
Les parents souhaitent que les élèves du secondaire puissent bénéficier du système d’apprentissage dit hybride, qui repose sur le principe d’une présence à l’école à mi-temps en alternance avec des classes divisées en deux.
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Un inconfort permanent
Les parents sont dans un inconfort permanent sur tous les plans : personnel, parental, professionnel, social et économique. Bien que fatigués, ils restent conscients. La contamination n’est ni la faute des enseignants, ni la faute des parents, ni celle des jeunes. Le virus circule et il a besoin de transmetteurs mobiles. Blâmer les uns ou les autres, opposer les gens n’a aucun sens, seul compte de trouver une solution ensemble.
En conclusion, les parents sont pour le maintien de l’accès à l’école et à l’enseignement, mais pas à n’importe quel prix, pas dans n’importe quelles conditions.
Joëlle Lacroix – Secrétaire générale de la FAPEO
Cette carte blanche de la FAPEO a été publiée le 21.10.2020 sur le site du Soir. Pour la lire, c’est par ici.